Un cirque sans fin
Scène surréaliste, hier matin, à la Meinau. Thomas Fritz, inconnu mais… nouveau propriétaire du club, a débarqué pour évoquer son projet devant des salariés à bout de nerfs. Malgré cet énième rebondissement, la liquidation judiciaire semble bien être au bout du chemin.
On peut reprocher beaucoup de choses à Jafar Hilali, mais c’est un homme qui tient parole. Il y a quelques mois, il avait annoncé qu’il irait jusqu’au bout de sa logique destructrice. Sa dernière pirouette ne fait que le confirmer.
En cédant, lundi soir, le club pour un euro symbolique à Thomas Fritz, un ingénieur informatique de 32 ans, le désormais ancien actionnaire majoritaire a réussi son coup. À savoir, créer un bazar incroyable au sein d’un club déjà au fond du trou.
« C’est du foutage de gueule »
Sans oublier la touche de n’importe quoi qui caractérise le financier installé à Londres, qui a assorti la vente à des bonus invraisemblables (20 millions d’euros !) en cas de victoire du Racing… en Ligue des Champions.
Cela pourrait presque paraître comique si l’avenir de plus de 70 salariés n’était pas en jeu. À ce sujet, ce n’est pas l’arrivée de Thomas Fritz hier matin, à la Meinau, qui risque d’arranger les choses. Bien au contraire.
« C’est du foutage de gueule, c’est n’importe quoi. Fritz a fait une réunion et nous a parlé de son projet en évoquant le Barça. Mais bon, le pauvre gars, il n’y est pour rien, le vrai responsable, on le connaît», lance un salarié, très énervé. « Je ne cautionne pas ce genre de c…, il faut arrêter », se fâche un autre, tout aussi désabusé.
« Moi je dis “Bravo Jafar”, ironise un troisième. On dit que ce mec est fou mais non, au contraire, il est très malin. Il a toujours un coup d’avance et là, il a encore trouvé un pantin pour s’amuser ».
«L’engagement de Fritz est louable, je ne dis pas, mais il faut penser aux salariés. Tout ça ressemble vraiment à une blague », analyse aussi Jacky Canosi.
Arrivé sur les coups de 10h au stade, Thomas Fritz s’est d’abord rendu… sur le terrain d’entraînement, pile au moment où Cathia Schaeffer, une huissière de justice mandatée par l’UNFP, était en train de constater que personne ne pouvait prendre en charge les joueurs, faute de diplôme valable.
« Il s’est présenté devant l’huissière en indiquant être le propriétaire. C’était surréaliste », expose un témoin de la scène.
D’autant plus que Fritz était accompagné d’un ami, censé être le futur entraîneur… sans que ce dernier n’ait les diplômes nécessaires, encore moins les compétences.
Logiquement, le nouveau propriétaire a été pris à partie par des joueurs exaspérés. Devant cette fronde, Thomas Fritz a alors promis de libérer de leur contrat tous ceux qui n’adhéreraient pas à son projet.
« Il faut que je me remette à chercher »
« Il a promis de me libérer de mon contrat demain (aujourd’hui, ndlr) », confirme ainsi David Klein, l’entraîneur des gardiens.
Mais pour d’autres, cette libération – si elle intervient effectivement – est déjà trop tardive. À l’image d’un Tristan Mbongo plus que dubitatif. « J’étais en contact avec Beauvais mais hier (mardi), le club a engagé un autre milieu offensif. Il faut que je me remette à chercher », expose le joueur arrivé la saison passée de Luzenac.
Pas démonté par cet accueil chahuté, Thomas Fritz est resté droit dans ses bottes. « Je suis propriétaire et il faut maintenant que je gère les urgences. J’ai rencontré tout le monde, je vais contacter les minoritaires. Et il faut régler les aspects administratifs », a-t-il indiqué.
Pas sûr qu’il obtienne les soutiens espérés. Pas sûr du tout. Même Jonathan Helbling, qui a tenté de fédérer les bonnes volontés via une page Facebook (Unis pour le Racing), a fortement tempéré son soutien.
« Mon but était d’être une force d’appui, pas de reprendre le club. On soutenait le plan Sitterlé, a précisé hier Jonathan Helbling. Avec notre projet “socios”, on pourrait au mieux récolter 1 million d’euros. Là, il en faut 10 pour sauver le club. Pour moi, c’est une dernière pi rouette de Jafar Hilali, qui aurait très bien pu vendre le club pour un euro à Sitterlé ou Graeff ».
Oui mais voilà, Jafar Hilali continue de jouer avec les nerfs de toute l’Alsace.
« Il faut qu’il arrête de s’amuser avec les gens, c’est leur vie, leur avenir qui est en jeu, peste David Terrier, le délégué de l’UNFP présent depuis lundi à Strasbourg. Hilali veut aller au bout du cataclysme, il continue de régler ses comptes. Je n’ai jamais vu une telle situation dans le monde du football ».
Beaucoup pensent que cette vente pourrait être annulée par la chambre commerciale. Et ce serait peut-être une bonne nouvelle pour Thomas Fritz lui-même. Car ce dernier pourrait bien rapidement se retrouver dans une situation financière dramatique.
« J’ai acheté le club en mon nom personnel, les dettes et les procès seront pour moi, confie-t-il. Mais il faut tenter le coup, il n’y a rien à perdre. Après, je comprends l’exaspération des gens, c’est normal d’avoir été mal accueilli ».
Plus que le plan B…
Et le nouveau propriétaire de lancer : « Même si je ne reste que président quatre jours, j’aurai réalisé mon rêve, c’est déjà ça ».
Un rêve qui ressemble plutôt à un cauchemar pour tous les autres protagonistes de cette affaire. Et qui n’empêchera pas le Racing d’être mis en liquidation judiciaire, certainement dès lundi.
Il n’y aura alors plus que le plan B échafaudé par l’association et la Ville pour espérer voir le Racing repartir en CFA. Au mieux…
Barbara Schuster